Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ukraine2014
15 mars 2014

Ludmila Oulitskaïa

ishot-1

Traduction de quelques extraits de l’interview donnée hier par Ludmila Oulitskaïa sur les ondes de la radio Echos de Moscou.

(Note de la traductrice : Quelques jours avant, l’Union des Ecrivains Russes avait rédigé une lettre de soutien à Poutine et à sa politique d’annexion.)

Vous pouvez lire ou écouter l’original ici :

http://echo.msk.ru/programs/kazino/1274252-echo/

Question de Xénia Larina : Dans ce genre de situation, notre intelligentsia a l’habitude d’être divisée. Je pense à la lettre de l’Union des écrivains russes, signée, entre autres, par des écrivains tels que Bondarev, Raspoutine et d’autres.

Réponse de Ludmila Oulitskaïa : Cela m’a affligée, car Raspoutine est un grand écrivain. J’aurais préféré qu’il écrive une autre sorte de lettre. C’est un retour vers le passé qui me rappelle les pages honteuses de la vie de l’Union des écrivains soviétiques. Vous savez, « je n’ai pas lu Pasternak, mais il faut le chasser et, mieux encore, le mettre en prison ». C’est triste et misérable car ce sont des gens qui écrivent, des personnes cultivées et qui auraient dû, tout d’abord, chercher des informations plus objectives. Le monde des journalistes se comporte avec mauvaise foi et c’est le genre de situation qui restera dans la mémoire de nos enfants. Avec des amis, je travaille actuellement à la rédaction d’un livre à la mémoire de Natalia Gorbanievskaïa. Une femme qui, sur la Place Rouge, a dit NON à l’invasion de la Tchécoslovaquie. Des gens comme elle, il y en eut sept. Ils étaient l’honneur de notre nation. Aujourd’hui, ils sont beaucoup plus nombreux à dire NON à la guerre. Mais elle a déjà commencé, cette guerre, même si elle ne fait pas encore de bruit.

Q : Parmi vos amis et relations, y en a-t-il qui adhèrent au point de vue du pouvoir ?

R : Parmi mes proches, personne. Quelques uns sont plutôt neutres car ils sont fatigués de la politique en général. Elle ne m’intéresse pas beaucoup non plus, mais j’ai tellement de honte, de peur et de peine pour tous ces jeunes qui vont mourir. Dieu merci, on ne tire pas encore, mais que se passera-t-il demain ?

Question d’un auditeur : Comment tout cela est-il possible ? Il y a une telle charge de haine dans notre société contre l’opinion d’autrui. Les gens ne veulent même plus s‘écouter, et je ne parle même pas de se comprendre. Que faire contre l’obscurantisme quand les gens décident de suivre comme des moutons ?

R : C’est la peur qui nous empêche de nous comprendre et ceux qui ont peur s’accrochent à leurs opinions d’une façon agressive. La peur, c’est une des maladies de notre pays. Il nous faudrait aussi apprendre à être bienveillants dans nos échanges, mais nos chaines de télévision empêchent toute conversation honnête.

Q : Et toute manifestation de pensée dissidente est immédiatement punie. On arrête ceux qui manifestent contre la guerre, mais personne ne sanctionne ceux qui défilent avec des pancartes appelant à envoyer les tanks sur Kiev, au contraire, on les protège. Mais comment comprenez-vous ces violents soutiens à l’égard de Poutine ?

R : Je répète toujours les deux mêmes mots : culture et éducation, éducation et culture. Notre peuple manque d’instruction et subit la propagande totalitaire. Et avec les abrutis, on peut faire ce qu’on veut.

Q : Mais comment lutter contre cette propagande ?

R : Xénia, en faisant ce que nous faisons toutes les deux dans ce studio, en disant que nous ne voulons pas de cette guerre, que nous voulons moins d’agressivité dans la société, en expliquant que les conséquences seront catastrophiques. Certains le comprennent, d’autres non.

Q : Du point de vue du pouvoir, peut-on appeler ce qui se passe en Crimée une annexion ?

: D’après les versions officielles, l’armée n’y est pas.

Q : Mais l’armée reconnaît elle-même qu’elle y est présente !

R : Schizophrénie. Je sais, moi, que l’armée y est, j’ai de la famille en Crimée. J’y ai grandi moi-même et personne plus que moi n’a regretté de l’avoir perdue.

Q : Vous devriez donc vous réjouir !

: Pourtant cela m’afflige. J’étais à Soudak, quand pour la première fois j’ai entendu parler la langue des tatars : ce peuple déporté était enfin de retour, j’en ai pleuré. Pour en revenir à Poutine, c’est un homme peu instruit et peu cultivé. La logique qui le gouverne est celle du KGB. Et un pays qui a élu légitimement comme président un homme issu des organes est un pays qui se condamne lui-même. On peut dire que Poutine est coupable, mais nous tous ne le sommes pas moins.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 283 446
Derniers commentaires
Publicité