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Ukraine2014
25 mars 2014

Echos de Moscou aujourd’hui sur la situation en Crimée et en Russie

 

ishot-2

A lire ou regarder ici : http://echo.msk.ru/programs/personalno/1286074-echo/

Traduction de quelques extraits :

Tatiana Felgenhauer : A votre avis, du point de vue militaire, la Russie a vraiment conforté sa présence en Crimée ? Ça y est, « elle est  à nous » ?

Evguénia Albatz : Tania, je n’en sais rien, il faudrait être en Crimée pour le savoir. Parce que l’information qu’on a ici, elle est extrêmement univoque. On a bien des infos sur twitter, mais elles sont parcellaires et, quant aux journalistes indépendants qui travaillaient sur la presqu’île, ils sont en train de partir parce que leur boulot est incroyablement difficile et assez dangereux. Comme toujours, quand il y a un changement de régime, c’est le vide juridique, et on se sent absolument sans défense. On voit des gens se promener en uniformes, certains se présentent comme des forces d’auto-défense, d’autres se font appeler « forces pro-russes » et ils pillent ce qu’ils trouvent après le départ des soldats ukrainiens de leurs unités. Il n’y a pas encore un véritable pouvoir installé ici, et c’est difficile de travailler pour les journalistes

Tatiana : Alors comment savoir ce qui se passe là-bas ?

 Evguénia : On sait que la plus grande partie des soldats ukrainiens ont prêté serment. Oui, mais à quoi exactement ? A la Fédération de Russie ? Parce que cela ne veut rien dire « prêter serment au peuple de Crimée » ! La Crimée n’est pas un pays, c’est une région, comment prêter serment au peuple d’une région ? Qu’est-ce qu’on sait encore ? Qu’après l’assaut sur Belbek, de gentils messieurs ont arrêté Mamtchour, son commandant, et l’ont mis en prison. Les premiers moments d’euphorie passés, on apprend aussi qu’il commence à y avoir des problèmes avec l’eau et l’électricité, que ceux qui ont pris le passeport russe ne pourront pas obtenir un visa Schengen …

Tatiana : A votre avis, est-il possible que certains regrettent déjà leur choix ou commencent simplement à avoir des doutes ?

Evguénia : Je ne suis pas douée pour juger des motivations des gens. Ce qui m’intéresse le plus, c’est comment vont se régler les questions de propriété. Tenez, les corvettes Ternopol, Loutsk, Khmelnitsky. Elles sont à qui, maintenant ? Et le sous-marin qu’on a pris aux Ukrainiens, c’est la propriété de qui ? Des Ukrainiens, puisque la Crimée était une partie de l’Ukraine ? Alors, comment va-t-on régler cette question ? Et puis il y a les entreprises civiles … Mais le plus intéressant, c’est ce qui va se passer chez nous … Bon, ça y est, la Crimée est annexée, elle fait partie de la Fédération, mais ce qui inquiète maintenant les Russes, c’est cette histoire de sanctions et cette liste noire qui s’allonge … Comment va réagir l’économie russe devant la fuite des capitaux ? Klépatch (vice-ministre de l’économie) nous annonce hier qu’en deux mois on a perdu 45 milliards, sans compter les 70 milliards qui se sont envolés en 2013. Que va-t-il se passer si cette tendance se poursuit ? Et les cartes Visa et Mastercard que la Douma voudrait supprimer par rétorsion ? Cela va poser d’énormes problèmes … En fait, ce qui nous arrive, c’est un grand malheur et on ne comprend sans doute pas encore complètement que nous vivons des moments tragiques de notre histoire et de notre destin individuel.

Tatiana : Comment expliquez-vous la réaction massive de la population, son patriotisme belliqueux ?

Evguénia : La propagande est une arme puissante. Quand toutes les chaines de télé vous martèlent non-stop que des nazis et des fascistes ont pris le pouvoir à Kiev et qu’il faut protéger le peuple russe en Ukraine et en Crimée, si on a conservé l’habitude soviétique de ne pas exercer son sens critique ou qu’on n’a pas le temps d’aller voir sur Internet, comment ne pas croire à tout cela ? Vous savez, beaucoup se demandaient « comment est-il possible qu’avec une telle culture l’Allemagne ait pu … ? » vous voyez à quoi je fais allusion, eh bien, nous aussi,nous avons une magnifique culture russe ! Et voilà que les gens deviennent fous ! Dans le « Fascisme ordinaire » de Romm, vous vous souvenez comment le peuple accueille Hitler ? Des simples gens de la rue. C’est une hystérie, une hystérie contagieuse et il y a un terme médical en psychiatrie pour décrire cet effet de masse. Et voilà, des gens qui lisaient Goethe et Schiller, qui allaient au concert et à l’église sont devenus complices des crimes d’Hitler.

Tatiana : Nous sommes dans l’Allemagne des années 30 ?

Evguénia : Non, bien sûr, et ce n'est pas encore tout à fait l'Union Soviétique. Par certains côtés, cela me rappelle la période Andropov. Heureusement, il n’a pas régné longtemps. Et un peu aussi la fin de l’ère Brejnev. Mais ce n’est pas l’URSS, non, et on ne peut pas comparer avec l’Allemagne nazie.

 

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Commentaires
T
Merci pour cet excellent article, continuez!
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