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Ukraine2014
18 avril 2014

Le Dernier des Mohicans

 

ponomariev

Илья Пономарев (единственный депутат Государственной Думы РФ, который голосовал против присоединения Крыма к России)

Ilya Ponomariev : unique député de la Douma russe à avoir voté contre l’annexion de la Crimée.

http://www.echo.msk.ru/blog/ilya_ponomarev/1302212-echo/

"Je reviens d’Ukraine où j’ai participé à une conférence des forces de gauche pendant laquelle mes collègues et moi avons échangé nos points de vue (souvent contradictoires) sur  Maïdan. J’avais envie de tout voir par moi-même, de rencontrer les partisans du nouveau pouvoir et ses opposants, de parler de l’atmosphère qui règne dans la société russe et au sommet du pouvoir et surtout de tenter d’aider au dialogue. Maintenant, je peux raconter ce que j’ai vu, et j’ai vu beaucoup, mais pas de banderovtsy, pourtant je les ai cherchés !

Pour rester sérieux, ce gouvernement de Kiev est aussi nouveau que l’est le gouvernement de Moscou : un groupe d’oligarques et de représentants du business ukrainien ont profité de la situation de ces derniers mois pour se partager le pouvoir et les richesses. Il n’y a pas de doute, Maïdan a été un véritable soulèvement populaire et personne n’a été payé pour cela, comme ce fut le cas pendant la révolution orange de 2004. Et pourtant, aujourd’hui comme alors, tout ce qu’a obtenu le peuple, c’est juste une redistribution des postes au sommet du système. On ne peut pas appeler cela une révolution, une révolution sous-entend un changement complet et fondamental des instances du pouvoir. J’ai déjà écrit que je ne pensais pas que le but de Maïdan était d’avoir à choisir pour la présidentielle entre les candidatures de Porochenko et de Timochenko.

A ce sujet, la discussion à laquelle j’ai pris part à la télé ukrainienne sur la lustration est révélatrice : les nouvelles autorités ont promis d’engager ce processus, que demandait d’ailleurs Maïdan, et maintenant elles se cassent la tête sur la façon de faire car c’est une impasse : toute lustration, si elle est véritable, va forcément toucher ceux qui ont tiré des bénéfices de Maïdan. (C’est d’ailleurs pour la même raison qu’en 1991-1992 Eltsine a été dans l’impossibilité de la mener à bien.) Mais ni la Rada ni le gouvernement ne peuvent se permettre d’abandonner ce projet car un peuple qui s’est soulevé ne l’acceptera pas. Voilà pourquoi la « lustration » à laquelle on assiste actuellement est une sorte de version light : on ne poursuit que des juges qui se sont enrichis et discrédités. Mais ce n’est pas cela, la lustration ! La lustration, c’est le fait d’abandonner les poursuites judiciaires contre quelqu’un en échange de sa promesse de ne pas occuper certains postes au pouvoir ou dans l’administration.

Parlons maintenant du nationalisme. J’ai déjà dit qu’il n’y a pas de banderovtsy à Kiev. Il y a quelques individus et des petits groupes de nazillons mais ce sont des exceptions. Quant à Secteur Droit, l’organisation compte quelques centaines de combattants néonazis et ils sont le reflet exact des skinheads russes. Toutes les fables que raconte la télévision russe sur le fascisme ukrainien ont pour but d’effrayer la population et de lui laver le cerveau. Le résultat de tout cela, c’est qu’une grande partie de la société ukrainienne n’a plus le même regard sur la Russie. Heureusement, la plupart incriminent Poutine et non le peuple russe, mais il n’est pas toujours facile de tracer une ligne claire entre eux et restaurer les liens entre nos deux pays prendra beaucoup de temps.

sapin

Pendant mes interventions à la radio et à la télé ukrainiennes, j’ai essayé d’expliquer que les Russes sont victimes de la propagande d’état, qu’ils pensent sincèrement qu’il s’agit de protéger un pays frère des fascistes qui ont pris le pouvoir à Kiev avec l’argent de la CIA et de l’Union Européenne, qu’ils ne se considèrent pas comme des agresseurs et que leur but n’a rien d’impérialiste. Cela fait une belle jambe aux Ukrainiens !

Au sujet de la Crimée. En dépit de nos agissements sur la presqu’île qui ont été pour les Ukrainiens une gifle, une insulte et un outrage, j’ai quand même l’impression que les simples gens n’avaient jamais vraiment perçu la Crimée comme étant complètement ukrainienne et qu’ils voyaient bien que la majorité russophone avait toujours un œil vers la Russie. Mais cela ne change rien à la méthode et aux procédés immoraux qui ont conduit à son annexion. Les gens n’en rendent pas seulement responsables Moscou, ils en accusent aussi le gouvernement précédent pour n’avoir pas su améliorer le niveau de vie là-bas et le pouvoir actuel pour n’avoir pas défendu la Crimée. Que faire à présent pour toutes ces familles séparées ? A Kiev, en trois jours, j’ai rencontré quatre personnes originaires de Crimée, toutes les quatre sont de nationalité russe et toutes les quatre condamnent l’action de Moscou, c’est pour elles une tragédie personnelle qui a bouleversé leur vie de famille.

La situation est bien différente dans le Donbass et les oblasts de Lougansk et de Kharkov, comme le montrent les enquêtes d’opinions : 25% souhaitent leur rattachement à la Russie, 25% veulent une Ukraine fédéralisée, 25% une Ukraine unitaire et 25% n’ont pas d’opinion. Soit toutes les conditions pour une guerre civile. Les habitants ont peur (60% craignent les banderovtsy, 48% la misère et la pauvreté et 38% les soldats russes) et ils reprochent au pouvoir central de les avoir toujours négligés.

Pour ma part, je conclus de tout cela que le salut de l’Ukraine est entre ses propres mains : le pouvoir de Kiev doit donner des gages aux oblasts de l’Est s’il veut les conserver et  leur montrer qu’il comprend ses problèmes. Les hommes politiques doivent se rendre personnellement à Slaviansk, à Kramatorsk et à Kharkov et parler aux gens, même s’ils courent le risque de recevoir des œufs. Et puis bien sûr, le référendum sur la fédéralisation doit être national. Quand j’en avais parlé à Tourtchinov le vendredi 11 avril à mon arrivée à Kiev, sa réaction avait été négative. Trois jours plus tard, il a déclaré que la tenue d’un tel référendum était absolument nécessaire. C’est un progrès important qui peut laisser espérer une normalisation de la situation."

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