Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ukraine2014
21 août 2014

Ludmila Oulitskaïa (suite)

 

ishot-2

http://www.svoboda.org/content/article/26541088.html

Ludmila Oulitskaïa : « Il y a deux semaines on m’a proposé de tenir une conférence de presse à l’agence ITAR-TASS. Cela m’a un peu étonnée car c’est un lieu symbolique et officiel et je n’ai pas l’habitude de fréquenter de tels endroits, mais j’ai donné mon accord. Ils ont établi une liste de journalistes, ceux qu’on invite habituellement à de telles rencontres, mais deux heures avant le début, ils m’ont téléphoné pour m’annoncer que c’était annulé parce qu’un tuyau avait crevé. Je suis plus étonnée par le fait qu’on m’ait invitée que par l’incident avec ce tuyau.

Question : Manifestement des "camarades haut placés" ont dû réprimander les organisateurs après la publication de votre texte dans les pages du Spiegel … ?

Ludmila Oulitskaïa : Et je ne les envie pas, car se retrouver dans une telle situation n’est guère agréable. Ils voulaient vraiment que je parle du prix littéraire autrichien, car c’est un sujet assez intéressant (Ludmila Oulitskaïa est le premier écrivain russe à recevoir cet honneur depuis 50 ans que ce prix existe), mais on a dû leur taper sur les doigts … Je ne peux pas bien sûr l’affirmer, je ne suis pas plombier et je ne suis pas allée dans cette salle pour vérifier l’état des tuyaux, mais on dû vraiment leur passer un savon.

Question : Pourquoi votre texte est-il empreint d’un tel pessimisme ?

Ludmila Oulitskaïa : D’abord, je suis affligée que les médias russes en aient donné une si mauvaise traduction, ils ont dû utiliser un traducteur automatique depuis l’allemand car je ne reconnais pas mon texte original après cette double traduction si maladroite, mais tant pis, je n’y peux plus rien. Quant au contenu de ce texte, je n’y révèle rien de nouveau, j’exprime juste un point de vue que partagent nombre de mes amis et s’il est pessimiste, c’est à cause de la politique actuelle de Moscou : nous nous éloignons de l’Europe et c’est regrettable. Il y a toujours eu depuis 300 ans une sorte de balancier qui tantôt nous rapprochait et tantôt nous éloignait de l’Europe, et nous sommes maintenant dans l’amplitude maximale de cet éloignement. J’espère qu’il repartira un jour dans l’autre sens et que nous trouverons des point d’accord avec l’Europe, car la Russie ne peut pas se développer en dehors d’un schéma européen, elle ne peut pas s’inventer une troisième voie. Pour l’instant elle choisit la Chine et c’est malheureusement un chemin qui a peu de chance de conduire la Russie vers le bien-être, la réussite et le respect. (…)

Question : N’avez-vous pas l’impression qu’il y a moins de « gens bien » qu’on ne croyait ?

Ludmila Oulitskaïa : Vous savez, j’ai beaucoup de chance, j’ai des amis merveilleux et nous sommes tous sur la même longueur d’onde. Quant aux acteurs culturels qui soutiennent avec tant de passion le militarisme ambiant, ils sont très dissemblables. Certains sont au service de l’état : ils dirigent des théâtres, des orchestres ou d’autres institutions culturelles et dépendent directement des dotations du pouvoir pour leur budget de fonctionnement. Pour protéger leur personnel ils sont parfois obligés de dire le contraire de que ce qu’ils pensent. Mais il y en a d’autres qui croient sincèrement en cette politique démente. Que voulez-vous, l’histoire de la Russie est ainsi faite …

Question : Les « patriotes russes » aiment établir à présent des listes « d’ennemis du peuple russe ». En tête se trouvent Andreï Makarevitch et tout le collectif de Radio Svoboda. Si votre nom n’y figure pas, c’est sans doute que  ces « patriotes » ne maîtrisent pas bien la lecture. Ne craignez-vous pas, quand ils auront appris à lire, qu’ils n’y rajoutent votre nom ?

Ludmila Oulitskaïa : J’y suis depuis longtemps, mais comme certaines listes sont par ordre alphabétique, vous n’avez peut-être pas été jusqu’au bout. Non, cela ne me fait pas peur. Je trouve même que le régime actuel est relativement souple avec ses opposants. Nous ne sommes d’ailleurs pas si nombreux, un seul convoi suffirait à nous amener sur nos lieux de détention. C’est une discussion que j’ai depuis longtemps avec mes amis, quand ils se demandent combien il faudrait de trains pour envoyer quelque part vers l’est ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique actuelle. En fait, je suis sincèrement  reconnaissante à notre Etat de ne pas nous avoir encore mis en prison. Bon, il enferme les participants aux meetings, mais il doit y avoir actuellement 70 prisonniers d’opinion dans notre pays, ce qui à l’aune des traditions russes témoigne d’une certaine mollesse politique.

Question : Avez-vous un lien personnel avec l’Ukraine ou bien ce pays n’est-il pour vous qu’une partie d'un passé commun soviétique ?

Ludmila Oulitskaïa : Mes grands-parents ont vécu à Kiev et cette ville est associée à l’histoire de ma famille. Beaucoup de mes lointains parents sont enterrés là-bas. Pour notre famille, Kiev c’est aussi Baby Yar. Mais j’y suis venue assez rarement, je n’y ai pas vraiment d’amis proches. Donc, pas réellement de lien personnel, mais tout ce qui se passe en Ukraine provoque en moi un terrible chagrin et surtout me donne le sentiment qu’il faudra plus d’une génération de Russes et d’Ukrainiens pour « digérer » et effacer les conséquences des erreurs commises aujourd’hui. »

Pour les russophones, une émission (2011) en deux parties consacrée à Ludmila Oulitskaïa :

https://www.youtube.com/watch?v=bPIXMV3dSu4#t=15

https://www.youtube.com/watch?v=4Ez3a-hWjKc

Publicité
Publicité
Commentaires
B
En lieu et place des délires d' Olivier Berruyer, je préfère les articles d'Elisabeth Studer sur le blog finances . Sans être la seule vérité, les analyses que j'y trouve me semblent infiniment plus pertinente . Un article qui m'a beaucoup interpellé: http://www.leblogfinance.com/2014/03/russieukraine-detroit-de-kertch-et-mer-dazov-autre-conflit-frontalier-pour-hydrocarbures-et-acces-a-la-mer-noire.html
Répondre
T
Maintenant, même les pylones électriques sont ukrainiens à Moscou! ;) <br /> <br /> <br /> <br /> https://twitter.com/vasilymaximov/status/502434218174328832
Répondre
L
Il semble que c'est souvent le même journaliste - ou prétendu tel - qui annonce les grands nombres de morts dans les rangs ukrainiens : Roman Bochkala.<br /> <br /> <br /> <br /> Pourquoi cela ?
Répondre
B
Merci de vos avis.<br /> <br /> <br /> <br /> Sur un autre sujet, un super billet de l'ami Tarkan :<br /> <br /> <br /> <br /> http://verslarevolution.hautetfort.com/archive/2014/08/21/la-russie-encerclee-par-l-otan-selon-olivier-berruyer-5431451.html
Répondre
B
Parfaitement plausible cette histoire jusqu'aux chiffres des disparus: si j'ai bien compris ils aurait "perdu" environ 4000 soldats et officiers dans une seule bataille !? il est fait état de t-90: à priori il y en a, mais pas tant que cela, je n'ai trouvé qu'un seul article qui en parle : http://www.lejdd.fr/International/Europe/Ukraine-Ils-vont-crever-jusqu-au-dernier-et-nous-avec-677785. Le village est nommé mais il y en a un autre (prés de kramatorsk). le "bon" village est à 7km au sud de Snizhne et 10 km au nord <br /> <br /> de Kuybyshevo (russie) ; le manque de précision me parait bizarre. Je pense qu'une perte de 4000 hommes (logés dans les sous-sols et caves d'un si petit village !) ne serait pas passer inaperçu. Les 400 a 450 ukrainiens qui ont dû battre en retraite en Russie ont déchainé les articles sur le web et là pour 4000 disparus, rien sur la toile !! trop bizarre. Au final, cela ressemble plus à une intox de pro-russe .
Répondre
Publicité
Archives
Visiteurs
Depuis la création 283 435
Derniers commentaires
Publicité