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Ukraine2014
24 décembre 2014

Navalny (suite)

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Dans les studios d’Echo de Moscou, Evguénia Albatz analyse l'affaire Navalny avec le blogueur Anton Nossik, le rédacteur en chef de Mediazone Sergueï Smirnov et, par skype, avec l’économiste Sergueï Gouriev, il y a encore un an recteur de l’Ecole Russe d’Economie, aujourd’hui enseignant à Sciences Po-Paris.

http://echo.msk.ru/programs/albac/1459876-echo/

Albatz : Dans les années 70, le pouvoir avait abondamment utilisé l’article 70 (« propagande antisoviétique ») pour condamner les dissidents, comme Kovalev, par exemple, qui relatait dans son journal « Chronique Express » les exactions commises au Goulag. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, on a même dépassé l’arbitraire de la période Brejnev.

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Gouriev : C’est exact. L’Union Soviétique avait au moins une idéologie, ce régime n’en a aucune. Le constat de Navalny est qu’il est absolument opportuniste et corrompu. On sait que 80 à 90% des citoyens russes n’approuvent pas la corruption qui règne dans leur pays et c’est pour cette raison que Navalny représente un immense danger pour le régime. Il faut donc le disqualifier de toutes les manières possibles en lui imputant des crimes imaginaires. Poutine a répété à de nombreuses reprises que, pour accuser le pouvoir de corruption, il faut être soi-même blanc comme neige. Si "Monsieur" Navalny, comme il l’appelle, n’est qu’un voleur, que valent ses accusations ?  Si le régime est corrompu, pourquoi le remplacerait-on par une opposition qui se révèlerait aussi corrompue ? C’est là toute l’explication de ce procès fabriqué et des accusations absurdes portées contre Navalny.

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Smirnov : Je voudrais d’abord préciser que je n’ai jamais été un partisan de Navalny. J’ai assisté aux différentes étapes de son procès et je peux affirmer qu’aucune preuve n’a jamais été apportée de sa culpabilité. L’accusation n’a eu de cesse de répéter : « Navalny avait des arrière-pensées criminelles, il ne menait ses activités économiques que dans le but de voler. » Le dossier d’accusation remplit 130 tomes, dont 85 ne comportent que des factures et des contrats commerciaux en bonne et due forme, et tout cela a été minutieusement lu par le Ministère Public du début à la fin pendant des jours et des jours sans qu’apparaisse leur caractère frauduleux. Les témoins appelés à la barre ont tous déclaré qu’ils ne connaissaient pas Navalny avant d’avoir lu son nom dans la presse.

Rappelons en quelques mots ce qu’ont fait les frères Navalny : Ils ont crée une entreprise s’occupant de logistique et pris un sous-traitant pour le transport. Ils ont offert leurs services à l’entreprise Yves Rocher, qui les a choisis comme étant les mieux-disant et ils ont reversé une partie de l’argent payé par Yves Rocher à ce sous-traitant pour le travail effectué, gardant l’autre partie en paiement de leurs propres services. Mais pour le tribunal, cela a été perçu comme un acte criminel. Cela signifie que n’importe quel commerçant à Moscou qui achète chez un grossiste des produits et les revend plus cher dans son magasin est un voleur ! Les juges ont écouté toutes ces balivernes le regard morne et n’ont même pas demandé à entendre la « victime » !

Albatz : Yves Rocher avait pourtant son représentant au tribunal … ?

Smirnov : Mais il n’a pas été interrogé, alors que la défense aurait souhaité l’entendre. Vous imaginez un procès au cours duquel on accuse quelqu’un d’avoir volé un téléphone et on ne songe même pas à faire venir à la barre le propriétaire de l’objet ? En fait, ce représentant était là en qualité d’observateur, puisque la société Yves Rocher n’a jamais porté plainte contre les Navalny, et ce juriste n’a pris la parole que pour déclarer : « c’est à la justice de décider … » Quant au directeur commercial d’Yves Rocher pour la Russie, Christian Melnik, son témoignage s’est réduit à ceci : « Il n’y a eu ni dommages ni pertes, nous n’avons subi aucun vol et nous serions prêts aujourd’hui à retravailler avec eux, car cette collaboration nous a donné entière satisfaction. »

Albatz : Attendez, vous disiez qu’on ne l’avait pas fait témoigner …

Smirnov : Il n’était pas là comme représentant de la « victime », mais comme témoin de l’accusation et la seule chose qu’il a dite, c’est « nous n’avons rien à leur reprocher. »

Albatz : Et la société sous-traitante ?

Smirnov : C’est cela le plus drôle : elle est apparue dans le paysage quand la société Yves Rocher a décidé de ne pas porter plainte. Exactement le même jour. Et pour dire quoi ? « On n’a pas eu de problèmes avec les Navalny, mais il parait qu’ils nous ont causé de lourdes pertes, c’est l’enquêteur qui nous l’a révélé. Nous, on n’en sait rien, on a cherché, épluché nos factures, on n’a rien trouvé de répréhensible, notre contrat de sous-traitance nous a même permis de faire des bénéfices, mais d’après l’enquêteur, ils nous ont volés. Nous, nous ne savons pas de combien, car on a plutôt gagné de l’argent. Mais d’après l’enquêteur, nous avons tort de le croire. Finalement, c’est aux juges de décider … »

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Albatz : C’est très frappant, la photo avec ces deux dames procureurs qui ont l’air de s’ennuyer au plus haut point ! Vous vous attendiez à un tel verdict de leur part ?

Smirnov : Comme si c’était elles qui décidaient ! Mais non, bien sûr, cela a été un véritable choc, on s’attendait tous dans la salle à une peine d’emprisonnement beaucoup plus courte, éventuellement à une conditionnelle. 8 ou 10 ans de camp, c’est ce qu’on inflige à des criminels extrêmement dangereux, et ceux-là sont en préventive en attente de leur procès, et non pas aux simples arrêts domiciliaires comme Navalny.

Albatz : Une dernière question : on accuse les frères Navalny d’avoir volé combien d’argent ?

Smirnov : 26 millions à Yves Rocher, 4 millions au sous-traitant.

Albatz : A titre de comparaison : la présidente du tribunal de Moscou, Olga Egorova, déclare au journal Kommersant que Vladimir Evtouchenkov, accusé de blanchiment d’argent pour un montant de plusieurs milliards, est toujours aux arrêts domiciliaires, au moment précis où il ne l’est plus et rencontre Poutine au Kremlin sous les caméras des journalistes.

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Nossik : Poutine a levé les arrêts domiciliaires en direct à la télévision, les avocats d’Evtouchenkov avaient refusé de faire une demande de mansuétude, ils ont été les premiers étonnés.

Albatz : J’ai oublié, la Constitution donne ce droit au Président ?

Nossik : Où voyez-vous que nous avons une constitution ?

Albatz : Revenons-en à Navalny. Le fait de le contraindre pendant tous ces mois aux arrêts domiciliaires a été très intelligent de la part du pouvoir : il ne pouvait assister à aucune réunion ni rencontre et comme l’attention était fixée sur l’Ukraine de l’est, il a été en quelque sorte oublié. Pourquoi l’avoir ainsi remis en lumière avec cette décision scandaleuse ?

Nossik : Attendons le 15 janvier pour savoir à quelle peine il sera finalement condamné. Le système n’est pas monolithique. Il y a eux et eux, ce qui peut paraître étonnant. On pourrait croire qu’il n ‘y a qu’une bande de criminels, mais en réalité ils ne sont pas tous du même avis. Un seul décide et tous essaient de deviner ce qui plaira au chef.

Albatz : Vous entendez par là que c’est Poutine qui décidera du sort de Navalny en dernier lieu ?

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Nossik : Je ne sais pas, mais il me semble qu’aucune décision n’a encore été prise. Le pouvoir a beaucoup de problèmes ces jours-ci, notamment avec le cours du rouble. Demander 10 ans de camp, cela laisse la possibilité d’adoucir la sentence, le spectre reste ouvert. Si le but était d’enfermer les Navalny pour 10 et 8 ans, ils se seraient dépêchés de rendre officielle la condamnation avant la fin de l’année, quand les Russes sont occupés à préparer les fêtes, c’est ce qui s’était passé pour Khodorkovsky et Lebedev en 2010. S’ils ont décidé d’attendre le 15 janvier, c’est qu’ils veulent se laisser une marge de manœuvre. Pour le cas où. Il peut se passer tellement de choses d’ici là …

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*****

***russia today 1

http://www.unian.net/world/1025176-patriarh-kirill-nagradil-ordenom-glavnogo-propagandista-rf-dmitriya-kiseleva.html

Enfin récompensés ! Dmitri Kisseliev, directeur général de Russia Today, et Oleg Dobrodéïev, directeur général de la télévision et radio d’état VGTRK, ont reçu des blanches mains du tchékiste en chef de l’église orthodoxe russe, Kirill Goundiaïev, la décoration de 2ème rang de Saint Serge de Radonèje pour leur travail zélé au service de l’église et de la patrie. Gloire aux vendus !

24 DECEMBRE 2013

Récit de la journée sur TSN :

https://www.youtube.com/watch?v=bn4jMUGF7VQ

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Commentaires
R
Et joyeux Noël à tous.
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D
Nadiya, nos pensée avec Toi !<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=VoDmTiC0fMc<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=EmhZbBrJXS4<br /> <br /> <br /> <br /> Слава Украине ! Героям слава !
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R
"Un Etat de Droit Démocratique du XXIeme siècle... où l'Etat est fait pour l'Homme, non l'Homme pour l'Etat."<br /> <br /> <br /> <br /> C'est la définition du libéralisme. Qui est un noble idéal, n'en déplaise à tous les anti-libéraux de Russie et de France.
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R
@ Daniel Vyshyvany<br /> <br /> <br /> <br /> "Vivre dans la réalité - c'est la chose la plus importante que je souhaite à l'Ukraine."<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne idée. Très bonne idée. Souhaitons la même chose à la France, elle en a grand besoin.
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R
Excellente explication. J'ai enfin compris l'affaire Navalny. Etes-vous en train de nous dire que ce dialogue a été diffusé sur une radio russe ? Donc si je comprends bien, il y a au moins un média russe qui dit davantage la vérité sur Poutine que tous les médias français ?<br /> <br /> <br /> <br /> (Le lien vers Echo de Moscou est erroné.)<br /> <br /> <br /> <br /> Cela dit, les lunettes de la dame du haut devraient être interdites. Pour moi, il y a activités anti-soviétiques, clairement. Ca vaut 5 ans de camp minimum.
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