Anniversaire de Boulat Okoudjava
A 9 heures (heure de France) retransmission en direct depuis la Place Rouge : https://www.youtube.com/watch?v=lVRr9fnLRP4
Boulat Okoudjava, poète, romancier et auteur-compositeur-interprète, est né le 9 mai 1924 à Moscou d’un père géorgien et d’une mère arménienne. Son père, commissaire politique, fut fusillé et sa mère, fonctionnaire du parti, fit 18 ans de camp. Boulat s’est battu contre l’envahisseur nazi et fut blessé à de nombreuses reprises. Ses chansons témoignent de son horreur de la guerre. Il est mort à Paris en 1997. Il aurait eu aujourd’hui 91 ans.
Chanson de la piétaille
https://www.youtube.com/watch?v=pMy2hXzwkAs
Pardonnez à la piétaille
D'être parfois si déraisonnable.
Toujours nous partons
Quand sur la terre explose le printemps.
D'un pas mal assuré
Sur l'escalier branlant. Et point de recours.
Et seul les saules blancs
Comme des frères nous regardent partir.
Ne croyez pas au temps,
Quand il fait tomber la pluie interminablement.
Ne croyez pas aux fantassins,
Quand ils chantent des chants allègres.
N'y croyez pas, n'y croyez pas
Quand les rossignols dans les jardins font leur vacarme ...
La vie avec la mort
N'a pas réglé tous ses comptes encore.
Le temps nous l'a appris :
Vis comme au bivouac, laisse ouverte la porte !
Camarade homme,
Il est pourtant attirant ton métier :
Toujours en campagne !
Mais seule une chose nous ôte le sommeil :
Pourquoi donc partir
Quand sur la terre exulte le printemps?
Au revoir, les garçons
https://www.youtube.com/watch?v=fxv3Kd1428o
Ah, la guerre, qu’as-tu donc fait, espèce de lâche !
Nos cours sont devenues calmes.
Nos garçons ont redressé la tête,
Ils ont mûri plus tôt.
On distinguait à peine leurs silhouettes sur la route,
Ils sont partis - un soldat derrière l’autre ...
Au revoir, les garçons !
Les garçons,
Essayez de revenir vivants !
Non, ne vous cachez pas, soyez grands,
N’épargnez ni les balles, ni les grenades,
Ne vous ménagez pas, mais quand même
Essayez de revenir vivants !
Ah, la guerre, qu’as-tu donc fait, espèce de lâche !
A la place des noces - des séparations et de la fumée.
Nos filles ont fait cadeau de leurs blanches robes
A leurs petites soeurs.
Vos bottes ...Comment ne pas les voir !
Et les ailes vertes de vos épaulettes ...
Vous vous ficherez des médisants, les filles,
Nous leur réglerons leurs comptes ensuite !
Qu’ils affirment que vous ne croyez en rien,
Que vous allez à la guerre juste comme ça...
Au revoir, les filles !
Les filles,
Essayez de revenir vivantes !
Chanson des bottes de soldat
https://www.youtube.com/watch?v=5Lg2wSxfOX0
Vous entendez : les bottes font leur bruit,
Et les oiseaux s'envolent, affolés,
Et les femmes, la main en visière, regardent ...
Ce qu'elles voient, vous l'avez compris ?
Vous entendez ? C'est le tambour qui bat !
Soldat, fais tes adieux, dis-lui adieu !
La section s'en va dans le brouillard ...
Et le passé se fait plus clair, plus clair.
Où donc est notre courage, soldat,
Lorsque nous revenons dans nos foyers ?
Les femmes, sans doute, le dérobent
Pour le cacher, comme un poussin, sous leur corsage.
Mais où donc sont nos femmes, l'ami,
Lorsque nous franchissons notre seuil ?
Elles nous accueillent, nous font entrer,
Mais dans notre maison, ça sent le vol.
Et nous disons au passé : mensonge !
A l'avenir, avec espoir : lumière !
Mais dans les champs s'engraissent les corbeaux.
Et vient gronder à nos chaussures, la guerre.
Et de nouveau les bottes font leur bruit
Et les oiseaux s'envolent, affolés.
Les femmes, main en visière, regardent,
Elles regardent nos nuques s'éloigner.
Lors d'un entretien datant de 1994, Boulat Okoudjava se souvient du premier jour de la guerre, comment il obtint, par son obstination auprès du bureau militaire et en dépit de son jeune âge, l'autorisation de s'engager et il évoque le romantisme qui l'animait avant d'être envoyé au front. Quinze jours plus tard, il n'avait plus qu'un désir : être blessé pour se retrouver dans un hôpital. https://www.youtube.com/watch?v=5DaYVg_lUhk
«C'est alors que commença mon dégoût de la guerre, car j'ai vu le sang et la mort. Les pires aspects de la nature humaine remontaient à la surface. Et puis vint l'accoutumance, quand on ne craint même plus le sifflement des balles et le bruit des explosions. Je garde le souvenir d'une immense camaraderie, qui pour certains dure encore aujourd'hui. Ce n'est pas mon cas, mais je me souviens qu'un de mes camarades de front, que j'avais revu après la guerre, m'a accusé alors d'être un traître à la Patrie pour n'avoir pas fait la louange des combats dans mes chansons. Il était plus soviétique que moi, alors que moi, j'avais eu l'occasion de me débarrasser de mes oeillères.»
A la question qui lui est posée "Mais personne n'a exprimé d'interrogation quand Hitler a envahi la Russie, son alliée ?" Okoudjava répond : "Eux, c'était les mauvais, et nous, nous étions les gentils. C'est ce que nous répétait la propagande. Seuls les anciens comprenaient, mais ils n'en parlaient pas, car ils savaient ce qui les attendrait s'ils ouvraient la bouche.
La Russie a été de tout temps un pays fasciné par la guerre, mais elle n'a jamais réellement honoré ses vétérans. Elle a toujours manifesté envers eux une sorte de condescendance méprisante. La seule chose importante, c'est l'ennemi, cet ennemi bien commode qui permet d'expliquer nos propres problèmes. C'est commode de faire croire que nous, on n'y est pour rien. Mettre tout sur le dos des Américains ou des peuples du Caucase, c'est notre spécialité.
Quand notre niveau culturel s'élèvera, quand nous adopterons enfin les valeurs du monde civilisé, cette tendance disparaîtra peut-être. La fin de l'URSS ne veut pas dire, hélas, que nous avons progressé, notre mentalité est restée soviétique et il faudra attendre longtemps avant que cela ne change. Pour l'instant, nous sommes en réanimation, il faut que nous nous soignions. Mais pour guérir, il faut parler, parler de ce qui fut, et pas seulement de nos victoires, de nos défaites aussi il faudrait parler ainsi que de nos crimes. Il faut que nous acceptions de nous repentir et nous devons cesser de prétendre que nous sommes supérieurs aux autres peuples. La Russie n'a jamais connu la démocratie ni la liberté dans le cadre des lois. Nous n'avons jamais eu le respect de l'individu, nous encensons la foule ou le collectif, mais pas la personne humaine. Elle ne nous intéresse que lorsqu'il s'agit de la dénoncer."
C'était il y a 20 ans, mais ces mots sont toujours d'une cruelle actualité. Voici la nouvelle affiche qui est apparue hier sur la façade d'un immeuble moscovite : elle dénonce ceux qui critiquent l'engouement frénétique et absurde de la population pour le ruban de Saint Georges et son patriotisme de pacotille.
"Ce que disent les salauds" :
Kozyriev (journaliste) : "Ce 9 mai sera à placer en tête des pires fêtes de la Victoire que j'aurai connues dans ma vie." Bogomolov (producteur de télé) : "Ces débiles se décorent avec des bouts de tissu rayé comme des Papous avec de la verroterie." Vitorgan (comédien) approuve les propos de Bogomolov. Rykline (opposant activiste) considère que le ruban de Saint Georges est un symbole du terrorisme international. Moujdabaïev (journaliste) a appelé le défilé du 1er mai "la fête des esclaves"."
Loukachenko a invité un orchestre militaire américain pour la commémoration de la Victoire. Ça swingue devant la forteresse de Brest ! https://www.youtube.com/watch?v=jS_CQli9Gl4&feature=youtu.be