Coupables parce qu'ukrainiens
Alexandre Koltchenko est emprisonné en Russie à la prison de Lefortovo depuis un an. Le 9 avril, un ramassis de juges a réitéré l’accusation selon laquelle il aurait projeté, avec Secteur Droit et la complicité d’Oleg Sentsov, des actions terroristes en Crimée contre les locaux de Russie Unie, la statue de Lenine, des ponts de chemin de fer et des lignes électriques.
Des activistes ont manifesté hier devant l’ambassade de Russie à Kiev pour réclamer la libération de tous les Criméens illégalement détenus en Russie et en Crimée annexée. Outre les noms de Sentsov et de Koltchenko, on pouvait lire sur leurs pancartes ceux de Guennady Afanassiev et d’Alexeï Tchirny (emprisonnés), Leonid Korj, Timour Chaïmardanov, Seïran Zinedinov, Isliam Djepparov, Djevdet Isliamov et Eskender Apseliamov (kidnappés et disparus), Rechat Ametov, Edem Asanov et Bilial Bilialov (assassinés). https://www.youtube.com/watch?v=q-XsOUEXemY
Témoignage de Youri Iatsenko, un étudiant de Lvov qui a passé 368 jours dans des prisons russes et a finalement été libéré le 7 mai :
https://www.youtube.com/watchv=jEYL3BcYkBs&feature=youtu.be
Alors que je me trouvais dans la région de Koursk pour affaires avec Bogdan Iaritchevsky, nous avons été interpelés le 6 mai à l’hotel où nous étions descendus et amenés dans un commissariat de police pour vérification d’identité. Tous nos papiers, dont les cartes de migration, étaient en ordre, mais un membre du FSB nous a menacé de la prison si nous refusions de collaborer : il voulait qu'on fasse des déclarations devant les médias pour discréditer l’Ukraine.
Pendant plusieurs jours on a été battus et menacés de recevoir des injections de substances chimiques sans avoir le droit de demander un avocat et de prévenir le consulat ukrainien. Finalement, ils nous ont accusés d’avoir franchi illégalement la frontière. On a été déférés dans un département spécial du FSB pour les étrangers et après des interrogatoires incessants, le 22 mai, ils m’ont mis un sac sur la tête et m’ont amené en forêt.
Je suis resté suspendu 3 heures, les mains menottées dans le dos, tandis qu’ils me donnaient des coups de poings et de pieds dans le bas-ventre, les reins et le foie. Il me semble qu’ils ont utilisé des sacs remplis de sable pour me frapper la tête. Ils disaient même qu’ils allaient me fusiller. Comme je ne supportais plus ces tortures, je me suis tailladé les veines et le ventre et j’ai exigé qu’on prévienne le consul d’Ukraine. Les médias avaient commencé à parler de moi et ils ont eu peur du scandale.
Pendant 6 mois, j’ai été transporté d’une prison à l’autre. Dans celle de Koursk, quand je marchais vers ma cellule, les gardiens hurlaient « on conduit un banderovtsy, un fasciste, un espion, il a jeté des bombes au phosphore sur nos femmes et nos enfants ». Ensuite, j’ai été détenu à Belgorod pendant trois mois à l’isolement. Mon camarade Bogdan a été libéré le 9 août, mais ils ont monté un procès contre moi : d’après l’acte d’accusation, j’aurais oublié un sac dans un taxi en novembre 2013 lors d’un précédent voyage et quand les enquêteurs l’ont trouvé (un an plus tard !) il y avait dedans 40 grammes d’explosif. Ils ont produit un unique témoin, mais ils ont raté leur coup car il a déclaré pendant le procès ne m'avoir jamais vu ! Le procureur a demandé deux ans d'emprisonnement pour contrebande d'explosif, le juge a réduit la peine d'un an, et comme j'avais déjà purgé cette peine en préventive, j'ai été remis en liberté.
Alexandre Kostenko, kidnappé en Ukraine l’année dernière et transféré en Crimée occupée, a été condamné hier par un tribunal de Simferopol à quatre ans et deux mois de camp pour avoir envoyé un pavé sur un berkout le 18 février 2014 rue Grouchevskaïa, ce qui a laissé un gros bleu sur le bras du pauvre malheureux.
http://grani.ru/Politics/World/Europe/Ukraine/m.240956.html
La lecture de la sentence s’est faite en l’absence de ses proches et de son avocat : ils avaient quitté la salle pour protester contre le refus des juges de repousser la date de l’audience en raison de l’état de santé d’Alexandre, privé de nourriture depuis trois jours et régulièrement battu depuis le début de sa détention. https://www.youtube.com/watch?v=OLWWIxP9uTc
Extrait du discours de la tristement célèbre pseudo-procureure Poklonskaïa : « Le plus monstrueux, c’est que l’accusé n’a même pas reconnu son crime, il n’a pas compris l’horreur de ce qu’il a fait, alors qu’un témoin, nous l’appellerons Stiopa, car il a souhaité garder l’anonymat, l’a formellement reconnu. C’est grâce à lui que nous avons appris que ce criminel était le chef de la Gestapo à la mairie de Kiev, là où l’on torturait et assassinait. Au nom de de la justice et de la mémoire sacrée des millions de victimes qui ont donné leur vie pendant la grande guerre patriotique pour que la paix règne sur terre, je prie le tribunal d’en tenir compte lorsqu’il rendra sa sentence. Et n'oublions pas qu'il y a encore une cinquantaine de berkouts qui demandent justice pour avoir été malmenés par les fascistes de Maïdan, ce procès n'était que le premier, nous jugerons tous les coupables.»
Alexandre Kostenko : « Ce jour-là, je n’étais pas rue Grouchevsky. Mais cela semble être un détail sans importance pour vous. Je ne suis coupable d’aucun des faits qu’on me reproche. Il est vrai que mon affaire ayant été la toute première dont ait été chargée Poklonskaïa, je n’avais aucune chance d’obtenir un jugement équitable. »
Dmitri Sotnikov, son avocat : « Nous allons faire appel, car mon client a été torturé. De plus, c'est un citoyen ukrainien, les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés en Ukraine et n'ont pas à être jugés par un tribunal russe.»