Le pseudo-procès est pour bientôt
Je résume les faits, tels qu’ils sont prouvés par les données de son téléphone : Nadia Savtchenko a été capturée par les terroristes dans l'oblast de Lougansk le 17 juin trois heures avant la mort des deux journalistes. Le 18 ou le 19 juin, elle est remise à des agents du FSB qui la conduisent à Voronèj où ont lieu les premiers interrogatoires.
1ère version du Comité d’enquête, il y a un an : par son travail de « navodtchitsa » (correctrice de tir) elle a aidé les soldats ukrainiens à localiser les deux journalistes. Puis elle s’est enfuie à pied à Voronèj.
Mais ça, c’était avant. Avant que l’acte d’accusation n’ait trouvé sa rédaction finale, avant que le Comité d’enquête n’ait tripatouillé un peu plus les éléments à charge qu’il a lui-même inventés. Nadia Savtchenko est maintenant accusée non seulement de complicité de meurtre, mais d’avoir elle-même assassiné les deux journalistes russes, d'avoir délibérement indiqué ces deux cibles à ses complices. Elle est toujours incriminée d’avoir franchi illégalement la frontière pour s’enfuir en Russie après avoir été libérée par les hommes de Plotnitsky. (Pourquoi l’a–t-il relâchée, au fait ? « On n’avait pas de quoi la nourrir et on ne savait pas à ce moment-là qu’il s’agissait de la meurtrière des deux journalistes. On l’a emmenée vers Donetsk et j’ignore ce qu’elle a fait après pour rejoindre Rostov. » Pourquoi vers Donetsk ? Circulez et ne cherchez pas à comprendre.
Ceux qui ont suivi le feuilleton s’interrogeront : n’était-elle pas accusée d’avoir rejoint Voronèj (parcourant 175 kms à pied en un peu moins de deux heures) depuis l’oblast de Lougansk ? Oui, mais le Comité d’enquête a dû se dire que faire plus de 80 kms à l’heure pour un piéton n’était pas très crédible. La solution a été trouvée il y a deux semaines.
Un témoin s’est présenté à la police russe : il a pris Nadia Savtchenko en stop, lui a même offert un morceau de pain et l’a conduite à Rostov après avoir passé la frontière à Krasnodon. Et voilà-t-y pas qu’il découvre une photo d’elle un an plus tard et reconnaît "l’ukro-fasciste tueuse en série". Courons vite en informer la police, se dit cet honnête citoyen. Oh, que ça tombe bien, voilà résolu notre problème, s’émerveille le Comité d’enquête, on oublie Voronèj, maintenant ce sera Rostov. De plus, ça va justifier qu’on la juge dans cette ville-là plutôt qu’à Moscou où il y a vraiment trop de représentants de la presse étrangère. Ficelons vite fait bien fait la version finale, que le procès puisse se tenir pendant la saison estivale, quand tout le monde est en vacances …
http://www.svoboda.org/content/article/27113826.html
Version finale, après toutes les autres dont je vous passe les détails : Nadia Savtchenko a elle-même assassiné les deux journalistes puis a été capturée par les hommes de Plotnitsky. Lequel la libère par humanisme mais pas dans l’oblast de Lougansk, dans celui de Donetsk. Elle fait du stop jusqu’à Voronèj en passant par Rostov … Ce n'est pas un peu bizarre un tel itinéraire ? Et pourquoi n'a-t-elle pas rejoint les forces ukrainiennes ?
C'est le genre de questions qu'un jury d'assises pourrait poser dans un état de droit. Des citoyens tirés au sort (même en Russie, il y a encore des gens normaux et courageux) seraient capables de remarquer ces absurdité (en plus des autres) lors du procès. mais cela ne se produira pas : depuis deux ans une loi interdit la présence d'un jury de jugement lorsqu'une femme est inculpée de meurtre. Pourquoi ? Mystère.
http://www.svoboda.org/content/article/27112579.html
En ce qui concerne Nadia Savtchenko, le tarif théorique est la prison à vie. Les 13 ou 20 ans qu'elle récoltera seront considérés comme une preuve de mansuétude. L'échange qu'espèrent ses avocats une fois qu'elle aura été condamnée est une hypothèse. Juste une hypothèse ...