Langue et diplomatie
Mille, mille fois désolée, mais je vais encore parler de Mr Oleh Shamshur, l’ambassadeur d’Ukraine en France. Il y a plusieurs mois, j’ai écouté son intervention lors d’une conférence aux Bernardins : son français à l’oral était plus qu’hésitant et son accent à couper au couteau : il fallait s’accrocher pour suivre son discours, et sans toujours réussir à le comprendre. Ses homologues anglophones en poste au Royaume Uni, aux USA et en Australie maîtrisent l’anglais et le parlent correctement. Les compétences linguistiques, hélas, ne semblent pas avoir été un critère essentiel quand il s’est agi de nommer celui qui allait représenter les intérêts de l’Ukraine en France.
Je suis certaine qu’il existe au MAE à Kiev des Ukrainiens qui possèdent parfaitement notre langue et le parlent sans doute sans accent. Pourquoi avoir choisi pour être ambassadeur en France, pays où la propagande russe entre comme dans du beurre, une personne, aussi sympathique soit-elle, qui s’exprime tellement mal dans notre langue que son discours perd tout son poids ? (Je pense à cette phrase de Beaumarchais : « Pour cette place, il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. »)
Vous avez déjà entendu Alexandre Orlov, l’ambassadeur de Russie en France ? Je le suppose, car radios et télés l’ont assez souvent invité : un français fluide, un vocabulaire riche et une excellente maîtrise de l’art oratoire. Bref, avec les armes pour convaincre et persuader. Avez-vous souvent entendu l’ambassadeur d’Ukraine parler sur une de nos radios ? Il faudrait pour cela qu’il soit audible…
Admettons que je lui fasse un mauvais procès… Il s’exprime peut-être mieux par écrit ?
http://notesnon-diplomatiquesambassadeurukraine.blogs.nouvelobs.com
Je découvre aujourd’hui le premier, et pour l’instant unique billet (depuis octobre 2014, date de sa prise de fonction à Paris) de Mr Shamshur sur un blog : syntaxe approximative et orthographe défaillante. N’y avait-il donc personne à l’ambassade pour effectuer la relecture d’un texte qui semble écrit par un étudiant de français de 3ème année (soit à la moitié de son cursus universitaire) ? Si l’on veut être lu, il faut être lisible !
Ne voyez pas dans cette diatribe le ronchonnement d’un prof devant une mauvaise copie, mais la tristesse de constater que l’Ukraine n’utilise pas tous ses atouts pour combattre la propagande russe en France. Il est bien dommage qu’elle ait considéré que Paris serait une sorte de récompense pour un diplomate en fin de carrière, alors qu’il aurait fallu y envoyer une personne charismatique, qui n’aurait pas hésité à frapper aux portes des chaînes et des rédactions pour faire entendre la voix de l’Ukraine, un polémiste (au sens premier "un combattant"), armé linguistiquement… et qui n’aurait sans doute pas attendu 19 mois pour rédiger son premier billet sur un blog afin d’ouvrir les yeux des Français sur les manœuvres de la Russie.
En tout cas, celles de notre parlement pour une levée des sanctions provoquent l’envoi d’urgence d’une délégation de députés ukrainiens en France cette semaine afin de contrer le lobbying russe et ouvrir les yeux de nos parlementaires sur la réalité de la situation. (Mieux vaut tard que jamais...)
Personne ne me le demande, mais si j’avais à donner un conseil à Mme Guerachenko : envoyez ou bien des parlementaires qui maîtrisent bien le français, ou bien faites-les accompagner par d’excellents interprètes. Missionner pour cette rencontre des députés ukrainiens anglophones serait une erreur : les parlementaires français sont monoglottes et leur unique seconde langue est la langue de bois. Pour paraphraser Figaro : Envoyez des calculateurs, pas des danseurs !