C'est qui le chef ?
Voici un nouveau billet ironique d’Anton Orekh, sur les ondes d'Echo de Moscou. L'original en russe est ici :
http://echo.msk.ru/programs/repl/1453726-echo/
C’est qui le chef en Russie ? A première vue, la question parait idiote. Mais à première vue seulement, mes amis. Formellement c’est bien entendu Poutine le chef et son pouvoir est absolu. Ce pouvoir, toutefois, ne s’étend pas sur l’ensemble de la Fédération de Russie. Parce qu’il y a dans notre Fédération une entité territoriale, la République de Tchétchénie, qui a son avenue Poutine et des portraits de Poutine accrochés tous les dix mètres, mais où le pouvoir de Vladimir Vladimirovitch n’est qu’une illusion. Le vrai patron là-bas, c’est Ramzan Kadyrov. Plus qu’un président ou un chef, c’est très exactement un patron. Poutine, après tout, c’est juste un leader, il conduit nos destinées, mais nous ne sommes pas sa propriété. Alors que chez lui en Tchétchénie, Kadyrov est le propriétaire.
Après l’attaque armée qui s’est produite à Grozny, il a menacé de détruire les maisons des familles des terroristes et d’expulser tous leurs parents, ajoutant : « La loi russe l’interdit, mais je le ferai. » Qui, à part Kadyrov, pourrait s’autoriser de tels propos ? Evidemment personne ! Les maisons ont été incendiées illico presto, car entre les paroles et les actes, le chemin est très court en Tchétchénie, surtout si c’est le patron qui a parlé. Où est-ce qu’en Russie on pourrait voir ça ? Evidemment nulle part !
Kalyachine, le défenseur des Droits de l’Homme, condamne publiquement ces incendies volontaires ? Kadyrov le traite immédiatement de complice des terroristes et d’agent payé par l’étranger. Kalyachine déclare ensuite sur les ondes de notre radio que, s’il avait vécu en Tchétchénie, lui aussi aurait eu sa maison brûlée ? La réaction ne se fait pas attendre : il est agressé quelques heures plus tard à Moscou. Les articles de notre constitution que viole la Tchétchénie, nos lois qui condamnent le terrorisme, ça n’a aucune importance …
En Tchétchénie règne un homme dont la parole est Loi. On peut bien y brûler des centaines de maisons, expulser on ne sait où des milliers de parents de présumés bandits, le Président Poutine ne dira jamais mot.
Pendant toutes ces années, Kadyrov n’a cessé de répéter qu’il n’en ferait qu’à sa guise. Poutine s’est toujours tu. Il n’approuve pas, il se tait tout simplement, comme s’il avait peur d’offenser le dirigeant tchétchène avec un mot de trop. On peut même soupçonner que si Poutine ouvrait la bouche, Kadyrov continuerait à n’en faire qu’à sa tête. On ne peut tout simplement pas l’obliger à obéir, parce que nous avons tous en mémoire, et Poutine le premier, les deux guerres de Tchétchénie et nous nous souvenons de quel côté se battait à l’époque l’actuel « patriote » Ramzan Kadyrov. Le Kremlin a terriblement peur qu’un jour Kadyrov, s’il lui en prend l’idée, ne soulève la Tchétchénie contre la Russie. Et ça, on n’en a pas besoin !
Kadyrov a remis de l’ordre dans sa république, il est prêt à écraser n’importe quelle révolte avec la plus grande violence ? C’est tout ce qu’on lui demande. En échange, il peut bien faire ce qu’il veut. En tant que patron. Patron d’un territoire qui formellement fait partie de la Russie, mais qui est devenu en fait un état indépendant dont nous sommes les otages et auquel nous payons des rançons pour avoir la paix et la tranquillité.
Alors, c’est qui chez nous le vrai chef ?
Vous vous souvenez bien sûr du million de roubles offert par Netrebko au Donbabwe pour restaurer le théâtre de Donetsk. Des journalistes demandent à Tsariev comment il va utiliser cet argent et s’il a déjà fait établir un devis pour les réparations. Je vous traduis sa réponse :
https://www.youtube.com/watch?v=WUH1qYolQyw&app=desktop
« Euh … là-bas, surtout, des destructions, euh, pas directement, il y a eu quelques … euh, il y a ... euh, euh … des tirs directs ... euh ... pas de dommages importants dieu merci … euh … détruits, détruits, les artistes m’ont dit ... euh ... on est allés là-bas ... euh nous sommes détruits ... euh, euh, euh … comment ça s’appelle ? Ce qui ... euh, ce que ... euh, non, non, ça qu’on utilise … (quelqu’un lui souffle : « les accessoires ? ») oui, c’est ça ... euh, euh, euh … »
Nouvelle de dernière minute : Oleg Tsariev a été nommé "Homme de l'Année" pour 2014 par le conseil d'experts de l'Institut russe de Biographie (?) en raison de son courage citoyen et de son dévouement à la cause de la langue russe. (Et le pire, c'est que c'est vrai !)
https://parlament-novorosii.ru/?p=1317
Bon, parlons du rouble à présent : comment se porte-t-il aujourd'hui ? De méchantes langues osent se moquer du grand malade et déclarent : "Stabilité absolue, la parité rouble/rouble est toujours de 1 pour 1".
Quant aux chaînes de télé russes, elles ont remplacé les films d'horreur par les nouvelles économiques :
Je quitte le registre de la dérision : la Douma russe est en train d'étudier diverses solutions pour sortir la Russie de son cauchemar financier. Des députés évoquent la possibilité de créer une nouvelle devise qui ferait concurrence à l'euro et au dollar et qui pourrait même remplacer le rouble. Des pourparlers seraient en cours avec la Chine, le Bélarus, le Kazakhstan, l'Arménie, la Kirghizie, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan.
12 DECEMBRE 2013
Sur le Maïdan, la vie suit son cours, les barricades n'ont jamais été si hautes, les gens chantent, les activistes s'entraînent à repousser d'éventuels assauts de berkouts.
Les manifestants viennent se réchauffer ou dormir dans le bâtiment de la Mairie.
Dans le parc Marinsky, la vie aussi s'organise, on y a fait venir des cuisines roulantes pour nourrir les pro-Ianoukovitch, ça a l'air de boire sec, là-bas, vu les trognes de certains.
Au parlement de Strasbourg, les députés ont déployé des drapeaux ukrainiens.
Dans le quartier du gouvernement, les berkouts et la milice sont alignés, immobiles dans le froid glacé.
A Donetsk, le Parti des Régions prépare son antimaïdan.
En Crimée le futur séparatiste en chef lit son prompteur : "Ici, la langue russe est opprimée, les Russes ethniques n'ont aucun droit, défendons le pouvoir légitime contre les révolutionnaires de Maïdan ..."
Le peuple de Maïdan autorise l'opposition à mener des pourparlers avec le gouvernement pour le convaincre de ne pas signer l'intégration de l'Ukraine à l'Union Douanière.
Récit de la journée sur TSN :