Oulitskaïa et Sokourov
Dans le cadre du projet culturel « Bibliothèque ouverte » s’est tenu le 30 novembre à Saint Petersbourg une rencontre avec la romancière Ludmila Oulitskaïa et le réalisateur Alexandre Sokourov. La salle de la bibliothèque Maïakovsky, trop petite, n’a pu accueillir tous ceux qui souhaitaient les écouter, certains ont dû rester debout dans le couloir, d’autres ont pu en suivre la retransmission sur un écran dans une salle voisine. En voici un extrait vidéo sur cette page :
http://www.svoboda.org/content/article/26719907.html
Au début de cet extrait, Sokourov déclare (je résume) : « Nous avons besoin de l’Europe, mais elle n’a pas moins besoin de nous, ne serait-ce que sur le plan culturel. Elle nous a parfois donné de mauvais conseils, nous poussant à des réformes qu’elle-même n’osait pas faire chez elle, mais nous avons appris de nos erreurs. Oui, il est possible que selon la manière dont la situation évoluera en Russie, nous soyons contraints de nous éloigner pour un certain temps de l’Europe, mais nous sommes de proches parents, elle est notre sœur aînée, tant de liens nous unissent, comme notre appartenance à la civilisation chrétienne. »
A la question « Quel regard devons-nous avoir sur la politique ? », voici la réponse d’Alexandre Sokourov :
« Aucune démocratie au monde n’a encore réussi à construire un espace démocratique véritablement équilibré, mais la Russie, elle, est en train de se détruire en tant qu’état et, ce qui est le plus terrifiant, cette destruction s’exerce dans l’âme même du peuple. Nous voyons bien que le système actuel est mauvais pour la Russie, car il freine son développement et divise les gens au lieu de les rapprocher. Il brise l’unité et pousse à l’autodestruction. La coupable, c’est la politique actuelle, pernicieuse et étrange, de la classe dirigeante qui détruit son propre peuple de l’intérieur, brisant son harmonie et ses capacités à raisonner. Et personne aujourd’hui n’est capable de proposer une alternative à cette situation.
L’idéologie communiste en son temps avait essayé de renouer les liens entre état et société. D’une façon absurde, en se basant sur des méthodes pseudo-scientifiques, mais le résultat, c’est que sous ce régime socialiste, le simple citoyen était davantage protégé de l’arbitraire que maintenant. Vous ne trouverez pas aujourd’hui une seule institution d’état pour soutenir les revendications et accepter les critiques du citoyen lambda concernant son quotidien, ce qui était possible à l’époque soviétique. Je simplifie, bien sûr, mais on pouvait aller au Comité de district du Parti pour se plaindre des agissements d’un bureaucrate. C’est pratiquement impossible aujourd’hui, car l’état n’a plus l’énergie sociale, politique ou morale de rétablir l’équilibre entre lui et la nation.
Il existe, je n’en doute pas, une manière de faire évoluer la situation dans le bon sens : en perfectionnant les institutions, en laissant entrer en politique des gens sensés, en se battant contre la corruption. Mais le pouvoir ne prend pas de telles mesures et nous en voyons le résultat. La plupart des problèmes dont nous parlons aujourd’hui sont pourtant évidents depuis longtemps. Ainsi moi, par exemple, dès 2001, j’ai compris que la guerre avec l’Ukraine serait inévitable. Je l’ai d’ailleurs dit publiquement en 2008. Même chose avec le Kazakhstan, ce qui s’y passe est extrêmement complexe et lourd de conséquences. Pourquoi ceux qui tiennent actuellement les rênes du pouvoir ne voient-ils rien ? Pourquoi aucun institut ne se consacre-t-il à des analyses projectives ? Et même si on ne veut pas utiliser son cerveau, pourquoi, simplement, ne pas ouvrir les yeux ? »
A la question « Peut-il y avoir interaction entre Culture et Politique ? », voici comment répond Ludmila Oulitskaïa :
« Alors que j’étais à Salzbourg il y a quelques mois pour recevoir un prix littéraire, j’ai entendu le Président autrichien comparer les liens entre la culture et la politique à ceux d’un vieux couple, quand mari et femme ne se supportent plus, mais ne peuvent vivre l’un sans l’autre. Quand il a ajouté que la culture devait commander à la politique, et non le contraire, j’ai failli pleurer d'entendre parler ainsi un homme politique. La politique, en effet, n’est qu’un des constituants de la culture et ceux qui pensent qu’elle gouverne le monde s’illusionnent. Cette erreur vient du fait que 70 années de l’histoire de la Russie ont été complètement idéologisées et que la culture devait se soumettre au Parti.
Je me souviens de la cérémonie des JO de Sotchi, quand on a évoqué tous les grands noms de la culture russe, oubliant de rappeler que ces écrivains, ces peintres et ces musiciens ont tous été victimes du pouvoir, depuis Pouchkine jusqu’à l’avant-garde russe. Ce n’est pas ici, à Saint- Pétersbourg, le lieu de rappeler combien de vos artistes et gens de culture ont péri. C’est à cela que se résume dans notre pays la coopération entre politique et culture, à une liste de victimes.
Il y a deux mois, le Ministre de la Culture a signé un document où il nous expliquait comment la culture devait se développer dans les prochaines années. La culture ne doit rien à personne, elle est, par nature, ce que produit l’Homme.
Un astronome anglais, Martin John Rees, expliquait il y a dix ans dans un de ses livres que l’Humanité aurait peu de chance de survivre au XXI° siècle, car le décalage entre le progrès technique et ses connaissances et son éthique deviendrait si grand qu’elle serait condamnée à disparaître. Quelques années plus tard, dans un nouveau livre, il modérait son propos. L’Humanité parviendrait peut-être tout de même à passer ce cap, mais à une condition : que la conscience humaine opère sur elle-même une véritable révolution et se réforme. Dans le cas contraire, la planète Terre garderait sa beauté, mais cette espèce que nous appelons l’Homme ne serait plus là pour l’admirer, parce qu’elle possède la faculté de se détruire elle-même,.
C’est cela le rapport entre culture et politique et si nous ne nous changeons pas de l’intérieur, s’accomplira alors ce qu’imaginait Bradbury : la Terre tourne, les ordinateurs travaillent, des sons s’enregistrent, mais il n'y a personne pour les entendre … »
Quelques liens vers des articles de ce blog consacrés à Ludmila Oulitskaïa :
http://ukraine2014.canalblog.com/archives/2014/03/10/29457911.html
http://ukraine2014.canalblog.com/archives/2014/04/27/29748541.html
http://ukraine2014.canalblog.com/archives/2014/08/19/30438927.html
http://ukraine2014.canalblog.com/archives/2014/08/21/30448762.html
http://ukraine2014.canalblog.com/archives/2014/09/06/30535914.html
2 DECEMBRE 2013
Maïdan n'a pas été attaqué pendant la nuit. La député Inna Bogoslovskaïa quitte le Parti des Régions et répète sur toutes les chaînes de télé que Poutine veut la guerre. Le Premier ministre déclare que les évènements dans le centre de Kiev ressemblent à "une tentative de coup d’état".
La Mairie de Kiev déclare qu'elle n'avait pas demandé son concours à la police pour installer le sapin de Noël. La démission du chef de la police qu'annonçait hier Azarov n'est pas confirmée. A Kharkiv et à Dniepropetrovsk, les forces de l'ordre rouent de coups des manifestants pro-européens. Dans la soirée, il y a 20.000 personnes sur Maîdan. On demande aux Kieviens qui habitent dans le centre de supprimer les mots de passe de leur wi-fi pour que les manifestants aient accès à Internet. Il y a maintenant des barricades sur la place.
Réaction de Poutine depuis Erevan :
http://www.youtube.com/watch?v=WOiBiW79oTo
Chaïne TSN :
https://www.youtube.com/watch?v=ohlnkNFJmEM&list=PL1neMztLSbMMcBoWGSQYa56u-ZyzXgDO-&index=8
Télécanal 24 :
http://www.youtube.com/watch?v=lqHhgUtJaF8
Les Berkouts font entrer les titouchkis sur le territoire de l'administration présidentielle :
http://www.youtube.com/watch?v=Y0QPyzuiEJE
Gromadske.tv :
http://www.youtube.com/watch?v=ns-N6rvauoo
Groupe Mandri : "Ne dors pas, ma terre bien-aimée" :
http://www.youtube.com/watch?v=eqelLBShObI
Les étudiants :
http://www.youtube.com/watch?v=qHiLMXrr9Ic