Fictions en tous genres
Ma traduction du billet d'hier d’Anton Orekh, journaliste à Echo de Moscou : https://echo.msk.ru/blog/oreh/2228534-echo/
« Nos médias parlent moins de la Crimée et du Donbass, c’est clair. C’est qu’aucun sujet ne peut éternellement passionner les foules s’il ne se passe rien de nouveau. L’intérêt pour le pont vers la presqu’île ukrainienne s’est éteint quelques jours après son inauguration. La guerre dans le Donbass ? Elle peut durer encore des années, et si nos talk-shows la mentionnent encore par inertie, c’est juste pour taper une fois de plus sur Porochenko ou croiser le fer avec l’Occident, car il est maintenant évident qu’on ne pourra pas y répéter le scénario criméen de 2014. Certes, on continue d’y envoyer de l’argent et des armes, mais juste assez pour entretenir le conflit… Alors ma question est la suivante : qu’est-ce qu’il va y avoir après ? Par quoi on va remplacer la Crimée et le Donbass ? Parce qu’il faut bien qu’il se passe quelque chose ! Les problèmes de la Russie, la vraie vie des Russes ? Laissez tomber, ça fait longtemps que nos médias nous serinent que tout va bien. Bon, ils effleurent bien de temps en temps la réforme des retraites, mais en gros il n’y a aucun sujet de politique intérieure qui pourrait intéresser les Russes.
Mais la politique étrangère, c’est autre chose ! Alors, on nous donne à bouffer de la Syrie, de la perfide Amérique, de l’Europe en déclin, régalez-vous ! Sans oublier l’Ukraine et ses banderovtsy, évidemment. Mais le problème, c’est qu’on en a soupé, des banderovtsy. Et de la Syrie aussi. Il nous faut donc de nouvelles histoires, c’est urgent ! Des trucs genre séries américaines qui scotchent devant la télé les vieux avec leurs retraites de misère, les agents du service public aux salaires qui fondent chaque jour et les ménagères. Quelque chose d’inspirant, qui nous colle devant le petit écran, qu’on se passionne pour le destin de pays étrangers et de peuples lointains : nos retraites, nos salaires, nos problèmes de logement, est-ce que ça compte seulement quand on voit ce qui se passe dans le monde ?
Mais si la Crimée et le Donbass ne sont plus au goût du jour, il va bien falloir inventer quelque chose de nouveau ! Et là, je vous le dis franchement : je me méfie du talent créatif de nos dirigeants. Prenez par exemple les gars de l’Otan qui s’inquiètent de ne pas pouvoir défendre à temps les Pays Baltes au cas où. Nous les traitons de cinglés et de paranoïaques. Mais celui qui aurait prédit l’annexion de la Crimée et la guerre du Donbass avant 2014, on lui aurait tout de suite mis la camisole de force ! Et pourtant on voit ce qui s’est passé… »
45-й день голодовки Олега Сенцова
Voici 45 jours qu'Oleg Sentsov est en grève de la faim. Match nul entre les deux médiatrices russe et ukrainienne : Moskalkova était hier en Ukraine et n'a pas pu voir Vychinsky, le journaliste russe incarcéré à Kherson pour propagande. Elle accuse la législation ukrainienne de lui mettre des batons dans les roues. Fallait-il s'attendre à autre chose, puisque Denissova n'avait pas pu rendre visite à Sentsov quelques jours auparavant ?
Mais la Russie poutinienne n'aime pas qu'on lui résiste, alors elle a fait coincider l'échec de Moskalkova avec une petite bombe de désinformation pour foutre la merde (désolée, c'est l'expression qui convient) parmi les Ukrainiens :
Un ukrainien en tenue de camouflage, se présentant comme un ancien de l'ATO et disant s'appeler Ivan Sirko (son nom véritable est Sergueï Sterikov), prend hier le micro lors d’une conférence à Kiev de l’OSCE. Il bafouille le texte suivant, que je résume :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=4AgFUbhLQk4
« Un des explosifs qu’on a trouvés sur Sentsov lors de son arrestation, c’est moi qui le lui ai apporté dans ma propre voiture, c’est la voiture que j’utilisais pour faire sortir nos derniers soldats de Crimée. Pourquoi je fais cette révélation ? C’est pour que le SBU s’occupent enfin des traitres ukrainiens qui ont dénoncé Sentsov aux Services russes et l’ont piégé. Sa condamnation à 20 ans de goulag, c’est parce qu’il sait trop de choses, il est dangereux aussi bien pour Kiev que pour d’autres camarades. »
Comme elles sont prévisibles, les petites manoeuvres de la propagande russe, elles deviennent d'un ennuyeux...
Un nouveau dessin de Paweł Kuczyński pour conclure ce billet :